Juliette G., co-fondatrice et vice-présidente du Collectif Triplettes Roses
À l’occasion d’Octobre Rose, nous avions envie de mettre à l’honneur des femmes au parcours inspirant. Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir la merveilleuse Juliette G., co-fondatrice et vice-présidente du Collectif Triplettes Roses.
La découverte de la maladie
En 2018, Juliette a 30 ans quand elle découvre une boule sur le dessus de sa poitrine. À l’époque, sensibilisée à la cause du cancer du sein, elle contacte sa gynécologue. Lors de leur échange téléphonique Juliette lui décrit les douleurs lancinantes qu’elle ressent : elle a l’impression de recevoir de petits coups d’aiguille en continu. La professionnelle de santé se veut rassurante, et lui répond qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Après tout, elle n’a que 30 ans, et le cancer du sein, “ça ne fait pas mal de toute façon”.
Quelques mois plus tard, Juliette va la voir pour sa consultation annuelle. Elle tente tant bien que mal d’expliquer à nouveau ce qu’elle ressent. Cette fois-ci, la gynécologue lui répond fermement qu’à 30 ans, on n’est pas concernée par le cancer du sein, et que s’il fallait faire des mammographies à chaque fois qu’on a des douleurs dans la poitrine, on ne ferait que ça.
Juliette repart ainsi chez elle, puisque, apparemment, elle n’est pas concernée.
Finalement, quelques mois après, ce sont ses collègues qui l’incitent à se rendre chez son médecin traitant. Les douleurs sont toujours là : ce n’est pas normal.
Dès qu’elle explique à l’interne qui la reçoit ce qu’elle ressent, la jeune femme est tout de suite prise au sérieux. À l’examen, il sent effectivement la boule décrite par Juliette. Après vérification par la médecin remplaçante, la jeune femme, qui se sent enfin écoutée, reçoit une ordonnance pour une mammographie, ainsi qu’une échographie : en effet, même si la probabilité de cancer est faible à son âge, la professionnelle de santé préfère ne pas prendre de risque.
Rapidement, Juliette, accompagnée de son mari, se rend aux différents examens. Au cours de la mammographie, tout semble être parfait. C’est au moment de l’échographie que la jeune trentenaire voit le visage de son interlocutrice se décomposer. Cette dernière lui explique qu’elle ne veut pas l’inquiéter, mais qu’elle ne peut pas la rassurer non plus. Elle quitte un instant la pièce pour se rendre à l’accueil. Le mari de Juliette est dans la salle d’attente, et entend qu’on demande une IRM en urgence.
L’IRM n’affirme rien, mais c’est après la biopsie que le destin de Juliette bascule. Elle n’a pas encore les résultats de ce dernier examen, mais une chose est certaine : elle n’a pas compris tout le jargon des autres comptes rendus. Tant pis, Juliette, dont la résilience semble être le moteur dans la vie, décide tout de même de partir en vacances quelques jours. Elle rentre un vendredi… son médecin traitant demande à la voir le lundi suivant, à 20 heures, dans son cabinet.
Ce jour-là, elle comprend qu’elle est touchée par un cancer du sein. Sa première réaction est de demander s’il s’agit d’un “méchant cancer”. Question à laquelle son médecin lui répond : “Oui, ce n’est pas un gentil”. Elle pleure, mais elle n’est pas trop inquiète. Une amie vient de traverser cette maladie, elle se dit qu’à son tour, elle risque de passer 6 mois très (très) compliqués, mais qu’elle est prête à se remonter les manches et à affronter le parcours qui l’attend. Son médecin s’est occupé de tous les rendez-vous, elle se sent soutenue.
Une interrogation subsiste tout de même : Juliette n’a jamais fumé, elle est sportive, elle mange sainement… comment est-ce possible ?
Quand elle découvre quelques jours plus tard le protocole de soin avec l’oncologue, la jeune femme, contrairement à son mari toujours à ses côtés, n’entend pas que son cancer du sein appartient à la catégorie de ceux que l’on nomme les triples négatifs. Elle est concentrée sur le déroulement de son parcours de soins, s’inquiète au sujet des nausées ou encore de la perte de ses cheveux… À ce moment-là, elle ne sait d’ailleurs même pas qu’il existe plusieurs types de cancer du sein.
Le cancer du sein triple négatif
Avant de poursuivre le portrait frangement inspirant de Juliette, voici un petit point au sujet du cancer du sein triple négatif.
Pour rappel (ou pour info !), il existe 3 grandes catégories de cancer du sein :
- le cancer du sein hormonodépendant : dans ce premier cas, les cellules cancéreuses sont sensibles à l’œstrogène et à la progestérone.
- le cancer du sein de type HER2+ : ici, les cellules cancéreuses présentent des récepteurs HER2 à leur surface.
- le cancer du sein triple négatif : dans ce dernier cas les cellules cancéreuses n’ont pas de récepteur à l’œstrogène, ni à la progestérone et ne surexpriment pas le gène HER2.
Le cancer du sein triple négatif représente 15 % des cancers du sein, cela signifie environ 9 000 nouveaux cas chaque année. La particularité de ce cancer est que 40 % des femmes diagnostiquées ont moins de 40 ans. Par ailleurs, 10 à 30 % des femmes touchées par le cancer du sein triple négatif sont porteuses du gène BRCA1 ou BRCA2. C’est pourquoi, chaque femme concernée par ce type de cancer est invitée à faire des tests de prédisposition génétique. Si le cancer du sein triple négatif présente une forme relativement agressive, il faut bien garder en tête qu’au stade localisé, la majorité des femmes guérissent.
Le début d’un long parcours de soins
Avant d’entamer son parcours de soins, et étant donné qu’elle n’a que 30 ans, Juliette est invitée à se rendre dans un centre de PMA, afin d’échanger avec une gynécologue sur la préservation de sa fertilité. Au cours de cette consultation, on lui explique que deux options s’offrent à elle. La première est de conserver des embryons, ce qui nécessite de prélever également les gamètes de son mari, et la seconde est de congeler ses ovocytes. On lui expose également que si son mari venait à disparaître, elle ne pourrait pas utiliser ces embryons, tandis que le taux de réussite de grossesse avec les ovocytes est moindre.
Elle doit donc décider, en quelques minutes dans ce bureau, quelle est la meilleure option pour elle. Naturellement, elle demande s’il est possible de faire les deux. La professionnelle lui dit qu’elle doit avoir l’aval de l’oncologue, sachant qu’il faudra dans ce cas prélever deux fois ses ovocytes, c'est-à-dire, le faire sur deux cycles différents… ce qui retardera le début de sa première chimiothérapie.
Une fois l’accord donné par l’oncologue, tout s’enchaîne à une vitesse folle. En septembre 2018, Juliette subit une mastectomie, suivie en octobre par le premier prélèvement de ses ovocytes. C’est au moment du second prélèvement que les choses se compliquent, il est impossible de prendre ses ovocytes à nouveau. Il n’est pas envisageable d’attendre un nouveau cycle, il faut désormais qu’elle commence au plus tôt sa chimiothérapie.
La première injection a lieu au mois de novembre et se termine en février 2019. Elle enchaîne avec des séances de radiothérapie qui se terminent en avril 2019.
Prendre soin de son image tout au long des traitements, c’est primordial pour Juliette pendant la maladie. D’ailleurs, c’est à l’occasion d’une séance avec une socio-esthéticienne qu’elle découvre Les Franjynes. Elle qui ne voulait pas se sentir stigmatisée par le port de foulard seul y trouve LA solution pour casser les codes et se sentir belle et féminine en toutes circonstances.
Finalement, avec les couronnes de cheveux et accessoires, elle se confectionne des looks au gré de ses envies (même si son entourage a ses petites préférences ;)), passant du blond au brun en un rien de temps.
Deux fins d’année marquées par la récidive
En novembre 2019, Juliette ressent de fortes douleurs dans son bras. Elle qui a toujours maintenu une activité physique pendant les traitements, pense d’abord qu’il s'agit de douleurs liées à ses cours de cardio-boxe.
Après un contrôle, elle apprend finalement qu’elle fait une récidive qui touche son omoplate et son poumon. À ce moment-là, elle explique avoir la chance de profiter d’une chimiothérapie et d’une immunothérapie (chose qu’on ne fait plus dans son cas aujourd'hui). Elle en bénéficie pendant 9 mois et se sent beaucoup mieux. La chimio s’arrête, elle poursuit l’immunothérapie, puis, en décembre 2020, sa vie bascule à nouveau.
Quelques jours avant Noël, elle se rend seule (Covid oblige…) chez son oncologue. Les résultats de ses examens révèlent la nécessité d’une nouvelle prise en charge.
L’oncologue a une attitude différente, le lien qui unit les deux femmes a changé : Juliette n’est plus une simple patiente. Désormais, elle est engagée avec plusieurs femmes rencontrées sur un groupe Facebook. Ensemble, elles viennent de lancer le mouvement #mobilsationcollectiftriplettes et d’écrire un plaidoyer à l’attention des plus grandes instances. Leur objectif ? Permettre aux femmes touchées par le cancer du sein triple négatif de bénéficier d’un traitement novateur, exclusivement disponible aux États-Unis jusqu’alors.
Après cette nouvelle étape de la maladie, tout s’enchaîne une fois de plus très rapidement. On découvre que la jeune femme est porteuse du gène BRCA1. Sa mère, sa petite sœur ainsi que son oncle et sa tante sont invités à faire des tests génétiques. Les résultats sont positifs pour sa sœur, qui décide alors de prendre rapidement rendez-vous avec un chirurgien à Paris : entre ses deux grossesses, par prévention, elle a recours à une mastectomie.
Le Collectif Triplettes Roses
En parallèle, de tout ce qu’elle traverse, Juliette devient officiellement co-fondatrice et vice-présidente du Collectif Triplettes Roses. Une association dont le bureau est composé de 6 femmes, réparties dans toute la France. De nouvelles ambassadrices rejoignent l’aventure rapidement afin de mener des actions concrètes sur le terrain.
Le projet de ce collectif au grand cœur
Les objectifs du Collectif Triplettes Roses ? Sensibiliser un maximum de personnes (le grand public comme les professionnels) au sujet du cancer du sein triple négatif. Mais également alerter sur l’urgence d’avoir accès à de nouveaux traitements et, bien évidemment, soutenir la recherche.
Pour mener ces différentes actions, le Collectif Triplettes Roses est très actif sur son site internet, ainsi que sur les réseaux sociaux (Instagram, Facebook, LinkedIn… et bientôt TikTok !) et partage régulièrement des événements et actualités.
En 2022, elles ont également créé une plateforme française, Triplettes Access, qui permet à chaque patiente qui le souhaite de s’informer sur l’ensemble des essais cliniques disponibles sur le territoire. Ce projet est une réponse à l’urgence d’avoir le droit à l’information : les femmes concernées peuvent ainsi prendre connaissance des essais cliniques qui existent, et regarder si elles correspondent aux critères. Ensuite, elles peuvent ouvrir le dialogue avec leur oncologue et discuter de l’éventuelle participation à un essai.
Le financement des actions menées par le Collectif Triplettes Roses
Afin de financer l’ensemble de leur projet, le Collectif Triplettes Roses organise chaque année, à l’occasion du 3 mars (la journée mondiale dédiée au cancer du sein triple négatif), le Challenge Triplettes Roses. Le concept ? Bouger pour lutter contre la maladie ! Particuliers ou entreprise, seul ou en équipe, le principe est simple, il vous suffit de marcher, courir, faire du ski ou encore du vélo pour cumuler les kilomètres.
Bien évidemment, leur mobilisation n’est pas en reste pendant le mois d’Octobre Rose. En ce moment, vous pouvez d’ailleurs retrouver les délicieux nounours en guimauve du plus célèbre des pâtissiers aveyronnais, Cyril Lignac, engagé auprès du Collectif pour la seconde année consécutive. Dix pour cent des bénéfices seront reversés au Collectif, alors… avis aux gourmandes (et gourmands !).
Par ailleurs, toute l’année, vous pouvez retrouver sur leur site internet la BD Cancer Royal de Françoise Feger, dont l’intégralité des recettes est reversée au collectif. Enfin, les adhésions au collectif et les dons libres sont bien évidemment les bienvenus.
La première édition du Prix Triplettes Roses
Cette année, pour la toute première fois, le Collectif organise le Prix Triplettes Roses. L’objectif ? Accélérer la recherche et soutenir les initiatives innovantes. À la clé ? 60 000 € de dotation répartie en 3 prix : le prix de l’égalité des chances, le prix de l’innovation et le prix coup de cœur. L’appel à candidature est lancé jusqu’au 30 novembre 2024. La remise des prix aura lieu en février 2025.
Le parcours de Juliette
En fin d’année 2021, la santé de Juliette nécessite une nouvelle prise en charge. En janvier suivant, elle bénéficie du traitement pour lequel elles ont rédigé le plaidoyer une année auparavant avec le Collectif. L’occasion pour elle de dire “oui” en septembre 2022, à celui qui la soutient depuis toujours.
Pour ce grand jour, la future mariée voulait la plus jolie des robes, mais avec une poitrine non reconstruite, difficile de trouver une robe adaptée à la spécificité de sa morphologie. C’est une dame près de chez elle, autrefois couturière dans les ateliers Chanel, qui lui confectionne une magnifique robe sur mesure, avec une poche adaptée à sa prothèse. Juliette est resplendissante et donne de l’espoir à toutes celles qui traversent la même épreuve.
Le prix Estée Lauder Companies Pink Ribbon Photo Award 2023
Avant de clôturer cette belle interview en compagnie de Juliette, j’avais envie de lui demander si elle avait un mantra, un mot, ou une phrase qui l’accompagnait au quotidien.
Elle m’a répondu qu’un mot la suivait depuis toujours. En effet, ses proches lui disent qu’elle est incroyable de résilience. Et comment ne pas être d’accord avec eux en découvrant quelques bribes de son histoire ?
La résilience fait partie de sa vie, d’ailleurs, elle a fait l’objet d’une magnifique photo.
Immortalisée sous l’objectif d’une amie d’enfance retrouvée il y a peu grâce aux réseaux, Juliette a décidé de participer au concours Pink Ribbon Photo Award d’Estée Lauder, sur le thème “(In)Visible”.
Elle a accepté de poser à une condition : que le cliché mette la lumière sur le thème du deuil de la maternité, dont on ne parle que trop peu dans l’après-cancer.
Le jour J, dans la salle, en compagnie de son amie photographe Charlotte Lerebours, Juliette perd espoir lorsqu’elle voit qu’elle ne figure pas dans les quatrième, troisième et second prix.
Quand le jury annonce que pour la première fois, ils sont tombés d’accord instantanément pour décerner le premier prix, et ce, en raison du regard intense et de l’émotion de la jeune femme, Juliette met un moment à comprendre. Quand elles sont nommées avec son amie Charlotte, elle s’effondre en larmes dans les bras de celle qui a su faire honneur à sa démarche, profondément touchante.
Dans le jury, ce jour-là, une certaine Laëtitia Mendes est également submergée par l’émotion. Amie de Juliette, elle n’était pas au courant de sa participation avant de découvrir la photo qui a fait l’unanimité. Son discours restera à jamais gravé dans le cœur de Juliette.
Merci infiniment à Juliette de nous avoir accordé cette interview et de nous avoir partagé avec tant de sincérité son parcours si touchant et si inspirant. On vous invite de tout notre cœur à soutenir le Collectif Triplettes Roses et à partager cet article… plus nous serons nombreuses et nombreux à parler du cancer du sein triple négatif, plus nous pourrons faire avancer les choses.