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Grossesse et Cancer : éléments de réponse et témoignage de Julie
Catégories : Bien-être

Grossesse et Cancer : éléments de réponse et témoignage de Julie

Découvrir sa maladie alors qu’on porte la vie, voici une situation à laquelle aucune femme ne s’attend. Mais qu’en est-il des femmes qui souhaitent avoir un enfant, après avoir traversé la tempête des traitements ? Aujourd’hui, vous l’aurez compris, on vous parle d’un sujet qui nous tient vraiment à cœur : celui de la grossesse et du cancer.

Découvrir son cancer pendant sa grossesse

Parfois, la vie nous joue de sacrés tours, dont on ne comprend pas très bien la signification. C’est très certainement le cas lorsque l’on découvre que l’on est touchée par le cancer alors que l’on est enceinte. Quand la maladie s’invite tandis que l’on porte la vie, il y a de quoi se dire que tout cela est irréel. Malheureusement, c’est une situation qui existe, et qui nécessite de nombreuses réflexions.

Un suivi médical important

Lorsque la maladie est découverte pendant la grossesse, le suivi médical est probablement plus conséquent. En effet, un tel cas de figure nécessite généralement des réunions d’équipes pluridisciplinaires (composées entre autres de médecins, oncologues, psychologues ou encore sage-femmes…) plus fréquentes, afin de bien évaluer l’ensemble des risques et éventuelles complications possibles. L’objectif principal ? Trouver le meilleur traitement pour la mère, sans impacter le développement de son bébé in-utéro.

Quoi qu'il en soit, la patiente et son/sa partenaire sont systématiquement informé.e.s de l’ensemble des éléments, et restent les derniers à prendre une décision, notamment au sujet de la poursuite ou non de la grossesse. En effet, certains couples font le choix de stopper son évolution, ne souhaitant pas s’engager dans un tel parcours. D’autres sont fortement invités à y réfléchir, l’état de santé de la femme nécessitant une prise en charge urgente, non-compatible avec la grossesse.

Des traitements possibles

Contrairement à certaines idées reçues, il est possible de recevoir des traitements anticancéreux pendant la grossesse : tout dépend du protocole médical indiqué. Par ailleurs, en fonction du type de cancer et de son stade d’évolution, on essaie d’attendre la fin du premier trimestre de grossesse avant de commencer les traitements. Malheureusement, parfois, le stade de la maladie est trop avancé, et cela nécessite une prise en charge plus rapide.

D’une manière générale, les interventions chirurgicales sont possibles dès le début de la grossesse (mais encore une fois, s’il est possible d’attendre la fin du troisième mois, cela est privilégié). La condition est que celles-ci ne se situent pas au niveau de l’abdomen et/ou de l’utérus, bien évidemment.

Concernant la chimiothérapie, elle peut également être prescrite en fonction de la molécule injectée, mais il est primordial de respecter le délai des trois mois de grossesse. Dans l’idéal, la dernière injection doit être faite plusieurs semaines avant l’accouchement. En effet, c’est un traitement qui entraîne une baisse de l’immunité, ce qui n’est pas souhaitable pour le nourrisson au moment de sa naissance.

Le traitement du cancer par radiothérapie, lui, n’est généralement pas autorisé, les rayons étant trop nocifs pour le développement du bébé.

Enfin, l’hormonothérapie est proscrite pendant la grossesse, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les femmes bénéficiant de ce traitement sont généralement invitées à prendre une contraception. La fertilité n’étant pas tout à fait une science exacte, et même si les traitements mettent ou déclenchent une “ménopause chimique”, il n’est pas impossible de tomber enceinte ! Et si cela devait arriver, la grossesse serait obligatoirement interrompue, car le développement du fœtus serait trop impacté par les effets de l’hormonothérapie.

Dans tous les cas, il faut garder en tête que tout ceci relève du cas par cas, et de chaque équipe pluridisciplinaire. Dans la plupart des situations, si la grossesse est déjà bien avancée au moment de la découverte de la maladie, il est généralement proposé d’attendre l’accouchement avant d'entamer tout protocole thérapeutique. Parfois, les professionnels envisagent même un accouchement dès la 35è semaine de grossesse, afin de pouvoir prendre en charge la mère plus rapidement.

Enfin, que chaque patiente soit rassurée : ce n’est pas parce qu’elles sont malades et enceintes que leur bébé aura plus de chance d’être malade un jour à son tour. Le risque existe s’il s’agit d’un cancer héréditaire, mais si ce n’est pas le cas, l’enfant ne sera pas plus concerné.

Un allaitement envisageable à certaines conditions

Les femmes concernées par le cancer et la grossesse se demandent bien souvent si l’allaitement de leur bébé est possible. Tout cela dépend du protocole de soins qui a été privilégié. Seule l’équipe médicale sera à même de leur apporter une réponse. Cependant, si la mère reçoit un traitement comme la chimiothérapie au moment d’allaiter, il lui sera fortement recommandé de ne pas donner son lait pour ne pas transmettre à son bébé les substances présentes dans celui-ci.

Être enceinte après la maladie

Une consultation dédiée à la fertilité avant de débuter les traitements

Après la consultation d’annonce du cancer, chaque personne doit se voir exposer les solutions qui existent pour tenter de préserver sa fertilité. Si ce n’est pas le cas, je vous invite à solliciter les équipes médicales de votre centre de soins pour évoquer ce sujet avec elles.

En effet, les différents traitements anticancéreux peuvent avoir un impact néfaste sur les fonctions reproductives, c’est pourquoi, chaque patiente doit être informée des solutions qui existent, qu’il ait ou non un désir d’enfant pour le moment.

Différentes solutions pour préserver la fertilité des femmes

Les femmes, en fonction de leur situation (type de cancer, de protocole de soins, âge, situation familiale…), se voient alors proposer trois types de méthodes.

La première consiste en un prélèvement d’ovocytes, après stimulation, qui seront ensuite congelés. Cela nécessite un protocole spécifique envisageable seulement si l’on peut se permettre de décaler un peu les traitements, le temps de réaliser la stimulation, et si et seulement si le cancer n’est pas hormonodépendant.

Dans le cas où la prise en charge du cancer doit être quasi-immédiate, le manque de temps pour la stimulation ovarienne implique une autre solution, celle d’un prélèvement d’ovocytes non matures, donnant lieu à une MIV, c’est à dire à une maturation des ovocytes in-vitro.

Dans d’autres cas, il est également possible de se voir proposer la congélation d’embryons si vous êtes en couple, et que vous êtes tous les deux d’accord.

Enfin, la dernière solution consiste en un prélèvement du cortex ovarien (morceau de tissu ovarien), également congelé. Celui-ci pourra être greffé sur la patiente (souvent dans le bras) une fois les traitements terminés, puis stimulé artificiellement et hormonalement afin de faire mûrir les ovocytes pour ensuite les prélever directement dans la greffe. Il s’agira en réalité d’une auto-greffe post-guérison. Pour information, Michaël Grynberg, l’un des plus grands spécialistes au monde à ce sujet, exerce (aux dernières nouvelles) à Hôpital Antoine Béclère - Service de Médecine de la Reproduction et Préservation de la Fertilité - en consultation “privée” mais aussi “publique” - AP-HP - 157 Rue de la Porte de Trivaux, 92140 Clamart.

Envisager une grossesse après les traitements

Certaines femmes ayant été touchées par le cancer se demandent s’il est possible d’envisager une grossesse sereinement après les traitements.

Généralement, il est recommandé aux femmes ayant reçu une chimiothérapie ou de l’hormonothérapie d’attendre au moins 6 mois après la fin, afin que le corps finisse d’éliminer les résidus du traitement. En effet, c’est une précaution pour éviter le risque de malformations pour le fœtus. Cependant, afin de permettre au corps de se remettre pleinement de la maladie, certains professionnels préconisent tout de même d’attendre au moins deux ans quand cela est possible.

Quoi qu’il en soit, les études se veulent rassurantes pour les anciennes patientes qui se posent la question : il n’existe pas de risque prouvé à ce jour de récidive de la maladie liée au fait d’être enceinte.

En revanche, concernant le déroulé de la grossesse, il y a cependant un faible risque de retard de croissance in-utéro et également un risque d’accouchement prématuré. Généralement, les patientes concernées bénéficient d’un suivi rapproché pendant leur grossesse, afin de garantir la meilleure prise en charge possible.

Enfin, il est tout de même primordial pour nous de rappeler que malheureusement, certaines femmes ne pourront pas avoir d’enfant, pour différentes raisons. Parfois, la chirurgie a nécessité l’ablation de l’utérus, d’autres fois, les femmes sont contraintes d’avoir recours à des traitements longs, non compatibles avec une grossesse. Cela fait bien évidemment partie des stigmates liés à la maladie dont on ne parle pas… mais qui sont pourtant bien réels. Il s’agit alors pour ces femmes d’être face au deuil de la maternité, dont on parle encore trop peu aujourd’hui.

Le témoignage de notre Wonder Julie

Photo de Julie de dos, qui porte sa fille dans ses bras.

Se poser des questions avant même d’y avoir pensé

Lorsque Julie (fondatrice de la marque Les Fanjynes, et ancienne patiente - au cas où vous ne sauriez pas qui est à la tête de l’équipe de Frange) a été reçue en consultation d’annonce, on lui a rapidement fait part des conséquences que pouvaient avoir les traitements sur sa fertilité. Dans son cas, on lui a parlé d’un vieillissement prématuré de ses ovaires (+ 6 ans), en raison de la chimiothérapie.

Alors âgée de 27 ans, et ne sachant pas à l’époque si elle souhaitait un jour avoir des enfants, Julie a été confrontée à une autre difficile réalité du cancer : celle de devoir potentiellement faire le deuil d’une éventualité maternité, à laquelle elle n’avait pas encore eu le temps de réfléchir.

Une chose était pourtant certaine pour elle à l'époque : elle voulait tout faire pour se laisser un potentiel choix futur. C’est à l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy, qu’elle a rencontré le Professeur Grynberg, grand spécialiste de la fertilité. Là-bas, Julie a eu recours à un prélèvement d’ovocytes, mais également d’un morceau de cortex ovarien (comme expliqué plus haut, il s’agit de prélever du tissu ovarien en vue de réaliser une autogreffe, une fois la personne guérie). Une étape très particulière, qu’elle a vécue comme une énième injustice : il s’agit là encore d’un stigmate invisible du cancer, dont on parle peu, mais qui laisse des traces indélébiles, comme celle de devoir envisager de faire le deuil de la maternité.

Tout au long de ses traitements, Julie, qui était touchée par un cancer du sein hormonodépendant s’est également vue prescrire une contraception. Car si les traitements peuvent affecter la fertilité, il n’en reste pas moins qu’il est tout de même possible de tomber enceinte. Cependant, dans une telle situation, il aurait été très complexe d’envisager une grossesse et de devoir l’interrompre. Voici encore une conséquence traumatique à laquelle Julie a fait le choix de ne pas s’exposer.

Accepter l’idée qu’on ne sera peut-être jamais mère

Une fois les traitements terminés, Julie, qui a fait partie d’un essai clinique très long et surtout très éprouvant, n’imaginait pas une seconde pouvoir porter la vie un jour, encore moins sans aide médicale. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, tout au long de son parcours de soins, elle s’est faite accompagnée sur le plan psychologique afin de faire le deuil de la maternité.

Très compétitrice et pugnace dans l’âme (si vous ne le savez pas encore ;)), elle a décidé de se conditionner à l’idée de ne jamais être mère : une façon pour elle de ne pas avoir à mener une nouvelle bataille contre elle-même, et contre son corps. Et puis, Julie se souvient encore de cette phrase qu’on lui avait dite à l’époque : “Vous avez autant de gagner au loto que de tomber enceinte naturellement”, alors elle s’était fait une raison. Pourtant, sa mère lui soufflait déjà : “Tu sais, il ne suffit que d’un ovocyte”... et comme dit Julie aujourd’hui : “En effet, elle ne croyait pas si bien dire - Et puis, elle a toujours raison !”

Découvrir que l’on porte la vie

Photo de Julie enceinte accompagnée de son mari.

Car Julie est bien tombée enceinte… naturellement ! Si cette nouvelle, qui relevait pourtant du miracle pour elle, était incroyable, elle a d’abord eu très peur. En effet, Julie et son mari vivaient à deux heures de route l’un de l’autre, Les Franjynes occupaient beaucoup de son temps et de son énergie, et surtout, elle avait eu un cancer 100 % réceptif aux œstrogènes… Alors, tant que son oncologue ne lui donnait pas sa bénédiction, Julie a eu du mal à se faire à l’idée de sa grossesse.

Quand les propos du professionnel ont été rassurants, étant donné que Julie était pour lui guérie, même si elle n’avait pas encore passé les 5 ans de remission au vu de sa réponse presque parfaite aux traitements d’essai clinique, elle a enfin pu s’autoriser à vivre pleinement cette période si spéciale. Étonnement, elle décrit ces mois de grossesse comme étant la meilleure période de toute sa vie : elle n’avait jamais été aussi détendue.

Photo de Julie enceinte accompagnée de son mari.

Bien évidemment, dans une situation comme la sienne, un suivi spécifique était tout de même organisé. Tous les trois mois, elle devait se rendre dans un centre anti-cancer pour réaliser des prises de sang et autres échographies, afin de s’assurer que l'empreinte hormonale de sa grossesse n’avait pas réactivé d’éventuelles cellules cancéreuses endormies.

À la naissance de sa fille, Julie a cependant dû renoncer à un autre rêve : celui d’allaiter. En effet, son sein gauche (celui qui avait été malade et qui avait subi une mastectomie partielle) n’étant plus en capacité de produire du lait, il aurait été nécessaire de faire le choix d’une alimentation mixte… chose que Julie a refusé de faire pour ne pas se mettre encore une fois en compétition avec son propre corps. Après avoir tout de même donné la tétée d’accueil (qui est depuis devenue “sa pensée positive dans les jours difficiles”), elle et son mari ont pu se partager le rôle de l’allaitement au biberon, pour le plus grand bonheur du jeune papa.

Photo de Julie, accompagnée de son mari qui tient leur fille en portage.

On espère de tout notre cœur que cet article sur la thématique de la grossesse et du cancer aura pu vous apporter un petit éclairage. On ne peut que vous inviter frangement à vous adresser directement aux équipes médicales si vous êtes concernée par ce sujet si spécifique. Avec le témoignage de Julie, on avait envie de vous apporter une petite lueur dans la tempête. On vous envoie tout notre amour et notre soutien de sœurs de combat, et on vous retrouve chaque jour sur nos réseaux sociaux Facebook, Instagram, TikTok et Pinterest.

Sources :

“Préservation de la fertilité & cancer | Synthèse” (Recommandations et référentiels), Institut National du Cancer.

“Fiche Patients | Préservation de la fertilité & cancer”, Institut National du Cancer.

“Cancer & grossesse ?”, Édition Actualisée, octobre 2021, Ligue Contre le Cancer.